Remonter les pentes : une aventure historique
Dans le Vercors, l’histoire des remontées mécaniques débute durant l’hiver 1934-1935 sur la colline des Bains, au cœur de Villard-de-Lans. À l’époque, un modeste traîneau tiré par un bœuf, relié par un câble en boucle tendu entre deux poulies, permettait d’acheminer 5 à 6 skieurs 200 mètres plus haut.
En 1936, un pas supplémentaire est franchi avec l’installation aux Cochettes de l’Aéroglisseur, conçu par l’ingénieur Marcel Dumas et inspiré des méthodes de transport aérien de matériaux. Cette mécanique originale fonctionne jusqu’en 1948, avant d’être transformée, puis remplacée par un téléski Poma à Villard-de-Lans. Cette initiative revient à Georges Huart, journaliste et président du syndicat d’initiative, Victor Huillier, autocariste, et Léon Magdelen, propriétaire du Grand Hôtel de Paris.
En parallèle, l’hiver 1937 marque un tournant pour la colline des Bains, qui se dote d’un téléski conçu par l’entreprise d’Annecy Dandelot, équipée du désormais célèbre système Pomagalski.
À l’assaut de la Côte 2000
Toujours dans les années 1930, les pentes de la Côte 2000, situées en contrebas de la Grande Moucherolle, offrent une descente ininterrompue de plus de 3,2 km. À cette époque, aucune installation mécanique ne facilite l’ascension : les skieurs montent à la force des jambes, équipés de peaux de bêtes fixées aux skis, depuis le hameau des Pouteils (1 080 m), accessible en voiture.
C’est sur ce site qu’a lieu la prestigieuse Grande course régionale de la Côte 2000, remportée en 1935 par un certain Émile Allais. Face à l’essor du ski, Pierre Chabert, maire de Lans-en-Vercors, conseiller général du canton et propriétaire de l’hôtel Les Adrets, imagine alors un téléphérique et parvient à fédérer de nombreux Villardiens autour de ce projet ambitieux.



La naissance du domaine skiable de Villard-de-Lans
Le projet d’un téléphérique à Villard-de-Lans voit le jour avec la création de la Société du Téléphérique de Villard-de-Lans et le lancement des études. Cependant, il n’aboutit pas immédiatement.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’initiative est reprise par un groupement d’hôteliers, de commerçants et d’industriels, qui fondent en 1949 la Société d’Équipement de Villard-de-Lans (SEVL). Ils confient la construction tant attendue à la société Câbles et Monorail de Pierre Mancini, basée à Grenoble.
Le premier téléphérique de France
Le 6 mars 1951, le « télévoiture de la Côte 2000 » entre en service. Composé de 60 cabines biplaces, il dessert six pistes du domaine en 10 minutes et 30 secondes. Avec ses cabines aux couleurs vives, il devient la première télécabine de France officiellement inaugurée.
L’année suivante, en 1952, le premier restaurant d’altitude, Altitude 2000, est construit à proximité de la gare amont.
Ce projet marque le véritable coup d’envoi du domaine skiable de Villard-de-Lans.



Du téléphérique du Moucherotte à l’hôtel Ermitage
Dans les années 1950, un nouveau projet de téléphérique voit le jour, cette fois-ci au pied du massif des Trois Pucelles.
Inauguré en 1956, ce « téléféérique » (nom commercial) connaît un succès immédiat. Pris d’assaut par les touristes, il permet d’admirer un panorama exceptionnel, mis en avant sur des panneaux touristiques affichant trois étoiles. Mais il a aussi un autre rôle : acheminer les matériaux nécessaires à la construction d’un hôtel de prestige, l’Ermitage, qui ouvre ses portes à Noël 1959.
L'Ermitage, un hôtel mythique
Avec ses 25 chambres, ses salons raffinés et son restaurant luxueux, l’hôtel Ermitage devient rapidement un lieu d’exception. Son architecture impressionne :
- Grandes baies vitrées offrant une vue panoramique sur les montagnes,
- Plafonds peints par le célèbre décorateur Wachevitch,
- Confort absolu, digne des plus grands palaces.
Ce cadre prestigieux attire une clientèle prestigieuse : industriels, stars et célébrités s’y retrouvent. Parmi elles, Dalida, Charles Aznavour ou encore Brigitte Bardot, venue y tourner plusieurs scènes du film La Bride sur le cou de Roger Vadim. Tous recherchent calme et isolement, un luxe parfois contrarié par les caprices de la météo : en cas de vent fort, le téléphérique s’arrêtait, bloquant ses hôtes sur place, au grand agacement de certains.
Un destin brisé
Malgré une tentative de relance lors des Jeux Olympiques de 1968, l’exploitation du téléphérique reste peu rentable. Son arrêt, suivi du refus d’un projet de piste de ski, condamne l’hôtel. L’Ermitage ferme définitivement en 1975.
Totalement abandonné, il tombe peu à peu en ruine avant d’être démoli en 2001. Pourtant, pour ceux qui l’ont connu, il demeure un souvenir inoubliable.
Textes et photos extraits du Vercors Inside Numero 7 et écrit par Muriel Gauthier
Posté le 28 fév. 2025 à 10:27